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MICA : L’encadrement des ART
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25 septembre 2024

MICA : L’encadrement des ART

Auteur
William O’Rorke

L’intégration dans le règlement MiCA d’un chapitre entier sur l’encadrement des stablecoins asset-referenced tokens (ART) semble être la conséquence d’un événement marquant de l’histoire des crypto-actifs : l’annonce en juin 2019 du projet Libra.

Pour rappel, Libra (ou Diem) désigne un projet avorté de stablecoin porté par Facebook au sein d’un consortium d’entreprises. Il reposait sur l’émission d’un token dont la valeur était stabilisée par rapport à un panier de monnaies internationales (ex.: 1 libra avait pour collatéral 50 % de dollars, 30 % d’euros et 20 % de yens).

Toutefois, le projet a suscité une forte opposition des acteurs de la finance traditionnelle comme le G20, la Banque de France ou la Banque centrale européenne (BCE), qui craignaient son impact potentiel sur la stabilité monétaire. Bien que finalement abandonné, Libra a sans doute joué un rôle dans l’introduction d’un cadre spécifique pour les ART au sein du règlement MiCA.

Qu’est-ce qu’un ART selon MiCA ?

Le règlement MiCA définit un ART comme un « type de crypto-actif qui n’est pas un jeton de monnaie électronique et qui vise à conserver une valeur stable en se référant à une autre valeur ou un autre droit ou à une combinaison de ceux-ci, y compris une ou plusieurs monnaies officielles ».

Autrement dit, les ART se caractérisent par :

  • Une qualification de crypto-actif, permettant d’exclure les instruments financiers et notamment les parts de fonds monétaires.
  • L’exclusion d’une qualification comme e-money token (EMT), ce qui permet d’exclure un collatéral composé exclusivement d’une monnaie officielle.
  • Une valeur stable.
  • Un collatéral constitué de valeurs, de droits, d’une combinaison de ceux-ci, d’une monnaie officielle ou d’un panier de monnaies (comme pour le projet Libra). Ainsi, le collatéral semble pouvoir être constitué d’un panier de monnaies, d’une monnaie associée à d’autres actifs, de crypto-actifs, de métaux précieux ou de matières premières.

Par exemple, le DAI de MakerDAO est adossé au dollar américain et à l’Ether, tandis que le Pax Gold est indexé sur l’or. Néanmoins, le marché des ART reste marginal à l’échelle des stablecoins.

Un régime juridique renforcé pour les ART

La nécessité d’obtentir d’un agrément

Les ART bénéficient d’un régime distinct au sein de la réglementation MiCA. Contrairement aux e-money tokens, qui sont soumis à des exigences similaires à celles des émetteurs de monnaie électronique, les ART sont soumis à un encadrement renforcé en raison des risques qu’ils présentent.

Leur stabilisation étant souvent liée à des monnaies fiat ou à des actifs intégrés au système financier traditionnel, un effet de contagion pourrait survenir en cas de décrochage du stablecoin (depegging). C’est pourquoi l’émission d’ART requiert l’obtention d’un agrément préalable des autorités, qui peuvent s’y opposer si les exigences du règlement MiCA ne sont pas respectées.

L’obtention de l’agrément est soumise à un certain nombre d’obligations lourdes pesant sur l’émetteur.

Les émetteurs doivent notamment répondre à des critères stricts en matière de fonds propres (2 % de la réserve d’actifs), de séparation juridique des actifs réservés et de conformité à des normes techniques développées par l’Autorité bancaire européenne, , l’Autorité européenne des marchés financiers et la BCE.

Ces normes techniques établissent, entre autres, les montants minimums des dépôts auprès d’un établissement de crédit pour chaque monnaie composant le panier de collatéral :

  • 30 % pour les émetteurs non significatifs ;
  • 60 % pour les émetteurs significatifs.

Les émetteurs d’ART doivent respecter plusieurs obligations supplémentaires, notamment :

  • Établissement d’une politique de rémunération stricte, incluant notamment une interdiction de rémunérer sous forme d’intérêts la détention des tokens ;
  • Obligation de rédaction d’une politique de conservation pour chaque groupe de réserves d’actifs ;
  • Conservation des réserves d’actifs sous forme de crypto-actifs par un CASP, en s’assurant d’éviter le risque de concentration des actifs de réserve ;
  • Établissement de règles et mécanismes de gestion de la liquidité et réalisation de tests de résistance.

L’ABE a publié, le 30 juin 2024, une déclaration comprenant des principes directeurs pour les ART et EMT, incluant des recommandations en matière de gouvernance, gestion des risques, réserves et modalités de rachat.

La notification d’un livre blanc

L’émetteur doit aussi respecter une obligation d’information à l’égard des investisseurs résidant dans le livre blanc, lequel doit être communiqué lors de la procédure d’agrément. Le livre blanc des émetteurs d’ART doit être approuvé par l’Autorité des marchés financiers (AMF) et doit contenir la description de l’émission de jetons et de ses caractéristiques (technologie, réserve d’actifs, droits et obligations). De plus, l’AMF portera une attention particulière aux impacts environnementaux de l’émission.

Toute information inexacte ou trompeuse pourrait engager la responsabilité de l’émetteur. Un régime plus strict est également prévu pour les établissements de crédit.

Les ART d’importance significative

Comme pour les EMT, et toujours dans l’ombre projetée du projet Libra, MiCA introduit des obligations supplémentaires pour les ART d’importance significative soumis à une surveillance par l’Autorité bancaire européenne et à des exigences renforcées. Cette qualification repose principalement sur les critères suivants :

  • Plus de 10 000 000 de détenteurs ;
  • Plus de 5 000 000 d’euros de capitalisation ;
  • Plus de 2,5 millions de transactions pour un montant de plus de 500 000 euros.

En pratique, ces règles visent principalement les grands émetteurs de stablecoins (Circle, Tether, Binance) ou les grandes entreprises numériques… comme Facebook !

Un encadrement pertinent ?

L’encadrement des ART par MiCA offre une protection accrue pour les investisseurs, en leur permettant de demander des dommages et intérêts en cas d’informations erronées et en renforçant la transparence des émetteurs.

Toutefois, ce régime pourrait s’avérer trop contraignant pour les émetteurs d’ART, qui ne pourront plus se rémunérer sur les réserves en raison de l’obligation de les séparer juridiquement de leur patrimoine ou d’accorder des intérêts liés à la détention de stablecoins.

En outre, la réglementation semble cibler un nombre limité d’acteurs, dont la majorité opère en dehors de l’Europe. Il est donc légitime de se demander si le cadre existant pour les EMT ne serait pas suffisant pour réguler les stablecoins dans l’UE.

Article écrit avec Imane Dahmani.

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