Loi de finances pour 2019 et Cryptos : un cadeau pour l’administration…
Définitivement adoptée le 28 décembre dernier, la loi de finances pour 2019, qui vient modifier la fiscalité des cryptomonnaies, ne fera donc pas de la France la #CryptoNation annoncée par son ministre de l’Economie.
En effet, le texte figurant désormais à l’article 41 de la loi, n’a fait l’objet d’aucune modification depuis notre article du mois dernier.
Ainsi, comme nous le soulignons, le nouveau régime clarifie mais n’incite en rien à développer une activité de trading ou toute autre activité liée aux cryptoactifs ou à la blockchain.
Pour résumer, les plus ou moins values ne devront être constatées qu’au moment de la cession de cryptos contre une monnaie ayant cours légal, un bien ou un service, peu important cependant que ces monnaies soient rapatriées ou non sur un compte bancaire. Les plus et moins value annuelles se compenseront entre elles. Les moins-values potentielles ne seront pas reportables sur l’année suivante. La plus-value éventuelle devra faire l’objet d’une déclaration annuelle et sera imposée, après déduction d’un abattement de 305 €, à un taux forfaitaire de 30 %, prélèvements sociaux inclus. Enfin, l’ensemble des plateformes d’échange utilisées devront être déclarées à l’administration.
Pourtant, le régime aurait pu aller beaucoup plus loin, comme en témoignent :
- les nombreux amendements rejetés en première comme en deuxième lecture : report d’imposition de l’apport en société, régime d’attribution gratuite de tokens, exonération annuelle des gains en-dessous de 3 000 €, incitation au minage, etc. ;
- et les préconisations de la commission des finances du Sénat : revoir l’interdiction du report des moins-value jugée particulièrement sévère, augmenter la franchise d’impôt dont le montant est incohérent, clarifier la distinction occasionnel / habituel, etc.
Ainsi, les seules mesures dérogatoires susceptibles d’être perçues comme favorables ne semblent en réalité dictées que par les exigences du contrôle fiscal :
- le taux de 30 % qui semble avantageux par rapport au régime antérieur (36,2 %) permettra en réalité d’engendrer plus de recettes fiscales. En effet, l’exonération des cessions occasionnelles inférieures à 5 000 €, résultant de la décision du Conseil d’Etat d’avril dernier, ne trouvera plus à s’appliquer ;
- en créant une exonération des transactions crypto-crypto, le Gouvernement offre un cadeau dont il n’est pas propriétaire, ces transactions étant pour l’heure plus chères à contrôler qu’à imposer ;
- l’annualisation des déclarations — précédemment, une déclaration par cession — et la franchise de 305 € permettront d’alléger considérablement la charge de travail de l’administration et d’encourager les contribuables à se faire connaître ;
- enfin, inutile de préciser l’intérêt de l’obligation particulièrement large de déclarer ses plateformes d’échange…
On comprend ainsi les frustrations du secteur exprimées notamment par le biais des présidents des principales associations du secteur.
Jacques Favier, président du Cercle du Coin, soulignait dès novembre son insatisfactionquant à l’approche réglementaire des institutions et estimait que le régime désormais adopté « n’empêchera jamais un jeune de 30 ans sans attache de partir et (…) ne fera pas revenir les jeunes qui sont (déjà) partis et qui vivent très agréablement à Lausanne, à Neuchâtel ou ailleurs ».
Plus récemment, Alexandre Stachtchenko, président de la Chaintech, faisait part de sa déception.
Les seules consolations à attendre pourraient désormais provenir d’une interprétation clémente de la notion d’occasionnel par les juges du fond et d’une éventuelle décision du Conseil constitutionnel censurant l’obligation déclarative nouvellement instaurée.