Acteurs cryptos non enregistrés : l’AMF obtient le blocage de plusieurs sites
Par six décisions rendues le 20 décembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a, sur demande de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF), enjoint aux fournisseurs d’accès à internet (FAI) d’empêcher l’accès à des sites internet considéré comme offrant illégalement des services sur actifs numériques à destination du territoire français.
Le code monétaire et financier prévoit en effet la possibilité pour le président de l’AMF de solliciter le Président du tribunal judiciaire afin de demander à ce qu’il soit enjoint aux FAI d’empêcher l’accès au contenu du service.
Comment fonctionne cette procédure ?
Cette procédure suppose la mise en œuvre, par l’AMF, des prérogatives qui lui sont conférées et visant à faire cesser l’accessibilité d’un site illégal en tant que sanction à un défaut de mise en conformité.
Cette procédure devant le tribunal judiciaire constitue l’aboutissement de plusieurs avertissements procéduraux.
En effet, lorsque l’AMF identifie un opérateur qu’elle considère comme fournissant des services sur actifs numériques sans être enregistré, et préalablement à la saisine du tribunal judiciaire, le régulateur lui adresse une mise en demeure l’enjoignant de cesser de proposer ses services à destination de la France.
À défaut de suppression ou de modification, l’AMF doit se tourner vers l’hébergeur du site en lui adressant une copie de la mise en demeure et lui enjoindre de prendre toute mesure permettant d’empêcher l’accès au contenu du service de communication en ligne.
Ce n’est qu’en l’absence de démarche de l’hébergeur du site litigieux que le Président de l’AMF est autorisé à saisir le président du tribunal judiciaire de Paris, selon la procédure accélérée au fond, pour ordonner l’arrêt de l’accès au service litigieux sur le territoire national, aux fournisseurs d’accès internet, ou la cessation de la promotion en ligne.
C’est sur le fondement de cette procédure que l’AMF a saisi le tribunal judiciaire de Paris de six requêtes tendant à enjoindre aux principaux fournisseurs d’accès internet des mesures permettant de bloquer l’accès, à partir du territoire français, à des sites internet illicites.
À l’appui de ses saisines, l’AMF rapportait que les sites visés fournissaient un service sur actifs numériques sans disposer de l’enregistrement obligatoire de prestataire de services sur actifs numériques (PSAN), délivré par l’AMF.
À l’occasion des jugements rendus en référé, le tribunal judiciaire de Paris a largement fondé sa décision sur les éléments fournis par le régulateur sans procéder à un contrôle précis de l’activité proposée par les sites litigieux.
Une procédure appliquée dans d’autres secteurs
Cette procédure n’est pas nouvelle en droit français et existe déjà en matière de lutte contre les contenus illégaux en ligne puisque la LCEN donne la possibilité à toute personne de saisir le président du tribunal judiciaire, aux fins qu’il prescrive les mesures permettant à prévenir un dommage ou à faire cesser un dommage occasionné par le contenu en ligne.
À titre d’exemple, l’Autorité Nationale des Jeux (ANJ) disposait jusqu’à récemment de cette même prérogative, à savoir la possibilité de saisir le Président du tribunal judiciaire aux fins de voir prescrire toute mesure destinée à faire cesser le référencement d’un site. C’est sur ce fondement que l’ANJ avait obtenu du président du tribunal judiciaire de Paris le blocage des sites de jeu d’argent en ligne par les principaux fournisseurs d’accès à internet français.
Depuis 2022, le recours au juge a été supprimé afin de permettre directement à l’ANJ de notifier aux moteurs de recherche les contenus illicites et leur imposer la limitation de l’accès.
Cette procédure de blocage administrative des sites pourrait, à l’instar de la réglementation sur les jeux d’argent et de hasard, être également appliquée par l’AMF à l’encontre de PSAN non enregistrés.
Comment contester une décision du tribunal prononçant le blocage d’un site sur le territoire français ?
L’opérateur dont le site fait l’objet de la mesure d’inaccessibilité sur le territoire français dispose d’une voie de recours à l’encontre de cette décision : la procédure de « tierce opposition ».
Cette procédure permet au PSAN contester à la fois les arguments de l’AMF et la proportionnalité des mesures (blocage du site, placement sur liste noire, etc.). Il doit disposer d’arguments solides pour démontrer qu’il ne fournit pas les services visés à destination du territoire français.
Dans les décisions du 20 décembre 2023, le tribunal a tenu compte des informations transmises par l’AMF et a mis en balance le trouble existant avec les mesures sollicitées pour considérer cette dernière proportionnée au but poursuivi.
Il appartiendra au prestataire qui souhaite voir cette mesure rétractée de démontrer qu’il n’est pas concerné par l’obligation d’agrément ou d’enregistrement.
Dans l’attente d’une telle décision, le fournisseur d’accès internet appliquera la mesure de blocage conformément aux dispositions du jugement.
ORWL est en mesure de vous accompagner sur ces problématiques de blocage de site internet.
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