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6 février 2023

MiCA : quoi, qui et dans quels délais ?

Auteur
William O’Rorke

Le règlement européen Market in Crypto-Assets (MiCA) devrait entrer en vigueur dans les prochains mois et offrir la première réglementation complète à l’industrie des crypto-actifs.

Le règlement européen Market in Crypto-Assets (MiCA) devrait entrer en vigueur dans les prochains mois et offrir la première réglementation complète à l’industrie des crypto-actifs.

Cet article n’a pas pour objet d’entrer dans le détail, mais présente les principales notions juridiques de MiCA ainsi que son champ d’application précis :

  • quels sont les crypto-actifs réellement concernés par MiCA ? Et ceux qui ne le sont pas ?
  • quelles activités seront régulées par ce projet de règlement ?
  • sur quel territoire (en ligne et hors ligne) MiCA a-t-il vocation à s’appliquer ?
  • quel est le calendrier d’application de MiCA sur les 3 prochaines années ?

Quelles définitions dans MiCA ?

L’un des intérêts majeurs de MiCA est d’apporter des définitions communes dans un secteur où les termes sont encore flou (DAO, crypto-monnaies, crypto actifs, etc.), voire trompeur (« smart contract »).

Parmi ces définitions, celle de “crypto-actifs” est fondamentale dans la mesure où elle détermine le champ d’application de MiCA. Un crypto-actif est défini comme la  “représentation numérique d’une valeur ou de droits pouvant être transférée et stockée de manière électronique, au moyen de la technologie des registres distribués ou d’une technologie similaire”.

Cette définition est large, subsidiaire et générique.

Large dans la mesure où elle ne vise pas une activité mais simplement une valeur ou des droits émis ou transférable sur une blockchain. Cette notion de valeur numérique fait écho à la notion de monnaie virtuelle au sens du Code monétaire et financier Français qui vise les cryptomonnaies comme les bitcoins ou l’ether.

Subsidiaire puisqu’elle ne s’applique qu’à un instrument qui ne pourraient pas être qualifié autrement sur plan de la réglementation financière : instrument financier, monnaie électronique, biens divers.

Et générique car la notion de crypto-actif au sens de MiCA regroupe plusieurs sous-catégories :

  • Les “jetons se référant à un ou des actifs » (asset-referenced token) soit “un type de crypto-actif qui vise à conserver une valeur stable en se référant à la valeur de plusieurs monnaies fiat qui ont cours légal, à une ou plusieurs matières premières ou à un ou plusieurs crypto-actifs, ou à une combinaison de tels actifs” ; en pratique, ces jetons visent les stablecoins adossés à un panier d’actifs ou de monnaie, sur le modèle de Libra/Diem aujourd’hui abandonné ;
  • Les “jetons de monnaie électronique” (e-money token) soit “un type de crypto-actif dont l’objet principal est d’être utilisé comme moyen d’échange et qui vise à conserver une valeur stable en se référant à la valeur d’une monnaie fiat ayant cours légal” ; en pratique, il s’agit des stablecoins adossés à une monnaie fiat comme le UST, le USDC ou le BUSD ;
  • Les “jetons utilitaires” (utility token) soit “un type de crypto-actif destiné à fournir un accès numérique à un bien ou à un service, disponible sur la DLT, et uniquement accepté par l’émetteur de ce jeton” ; l’apport essentiel de cette définition réside dans la fourniture d’un accès à un bien ou à un service accepté par l’émetteur. Pour rappel, le Code monétaire et financier permet actuellement de qualifier de jeton, et donc d’actif numérique, toute représentation d’un ou plusieurs droits sur une blockchain.

A noter que les tokens émis ou échangés sur une blockchain qui n’entreraient pas dans le champ de la définition de crypto-actifs seront nécessairement exclus du champ d’application de MiCA. On pense évidemment à certains NFTs, encore non régulés, ou aux tokens correspondants à une autre qualification réglementaire : securities tokens, parts de biens immobiliers, biens divers, parts de fonds d’investissement, etc.

Ainsi, le règlement permettra une analyse plus précise de ce qui est ou non régulé en Europe, sans toutefois exonérer d’un travail de qualification préalable des cryptos émises ou échangeables au sein des projets.

Qui est concerné par MiCA ?

MiCA vise principalement deux catégories d’acteurs :

  1. Les émetteurs de crypto-actifs, c’est à dire les émetteurs de jetons (ICO) mais également les émetteurs de stabecoins (e-money ou asset-reference token). Ainsi, la quasi totalité du marché primaire des crypto-actifs sera couvert par la réglementation européenne.
  1. Les prestataires de services sur crypto-actifs, à savoir les prestataires fournissant des services sur actifs numériques. La notion de prestataire de services sur crypto-actifs (PSCA) et de services sur crypto-actifs feront l’objet d’un article dédié dans les prochaines semaines. Relevons simplement que MiCA est aligné sur la notion de PSAN à la française.

Qui n’est pas concerné par MiCA ?

Logiquement, ce texte exclut une série d’institutions publiques (BCE, Banque centrale, organisations internationales, etc.).

En ce qui concerne les personnes privées, le texte exclut expressément :

  • les personnes qui fournissent des services sur crypto-actifs au sein d’un groupe ;
  • liquidateurs ou aux administrateurs agissant dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité. À supposer que FTX ait été un acteur européen, la gestion de sa liquidation n’aurait donc pas impliqué l’application des obligations réglementaires prévues par MiCA.

Où MiCA s’appliquera-t-il ?

De manière assez surprenante, MiCA ne précise pas son champ d’application territorial.

Néanmoins, le considérant n°51 précise que les entreprises d’un pays tiers de l’Union européenne ne pourront pas proposer de services liés aux crypto-actifs sur le territoire de l’Union. Ainsi, les acteurs étrangers ne pourront plus diriger leurs communication vers l’Union (publicité en ligne, sponsoring, influenceur, articles sponsorisés, etc.) et ne pourront accueillir d’utilisateurs européens qu’à l’unique initiative de ces derniers.

En particulier, la présence de des applications mobiles de ces acteurs sur l’Apple Store et le Play Store européens devront cesser.

Quelle date d’entrée en vigueur pour MiCA ?

L’adoption définitive du règlement par le Parlement européen devrait intervenir dans les prochains mois.

Lorsque l’adoption définitive interviendra, les acteurs disposeront d’un délai de 18 mois pour se mettre en conformité avec les obligations réglementaires du texte.

Un délai supplémentaire de 18 mois sera accordé aux PSAN enregistrés en France pour se mettre en conformité (c’est la “clause du grand-père”).

A noter également que depuis la modification de l’amendement Maurey par l’Assemblée nationale, les contraintes liées à l’enregistrement des PSAN vont se renforcer à partir du 1er juillet 2023.

Et pour la suite ?

MiCA est un texte qui pose un cadre de haut niveau et qui sera précisé par une cascade de texte d’application et d’interprétation. Il fera notamment  l’objet de normes techniques réglementaires (RTS) adoptées par la Commission européenne.

En définitive, il y aura donc plusieurs niveaux de normes :

  • Le Règlement MiCA qui détermine les principales obligations et les principes ;
    • Les RTS (Regulatory Technical Standards) qui détaille certains obligations et propose des standards ;
    • La doctrine administratives des régulateurs communautaires (ESMA et EBA) ;
  • Le Code monétaire et financier qui transposera les obligations de MiCA en droit interne ;
    • Les actes réglementaires qui précisent les obligations légale (décret, Règlement général de l’AMF) ;
    • La doctrine de l’AMF avec les instructions, les positions et les Q&A de l’AMF et de l’ACPR.

Article écrit avec la collaboration de Silvère Texier.

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