
[Edito] Fiscalité des cryptos : la fête est finie
Le régime fiscal des crypto-actifs, introduit en 2019, n’a cessé d’évoluer au gré de la montée en puissance du marché et des préoccupations des autorités face à des technologies techniquement et intellectuellement difficiles d’accès.
Cette période d’observation et de construction a laissé les contribuables relativement démunis pour identifier la nature de leurs obligations fiscales. En contrepartie, peu de contrôles fiscaux étaient réalisés.
La loi de finances pour 2025 nous donne de bonnes raisons de penser que ce temps est révolu. Si elle ne contient pas davantage de clarification pour les contribuables (staking, NFT, prêt, airdrop, etc.), elle dote l’administration fiscale de pouvoirs qui devraient la conduire à intensifier les contrôles.
De l’accès à l’information
La loi de finances transpose d’abord en droit français le cadre de transparence fiscale en matière de crypto-actifs prévu par la directive européenne DAC8.
Si le fisc devait jusqu’à présent engager des procédures longues, coûteuses et incertaines pour obtenir des informations de plateformes étrangères, l’échange automatique d’information permettra à l’administration d’obtenir, chaque année, les historiques de l’ensemble des transactions réalisées par les contribuables français sur des plateformes établies dans l’UE (ou, bientôt, dans l’un des Etats signataires de l’instrument multilatéral négocié dans le cadre de l’OCDE).
Cette masse de données, valorisée par les algorithmes de ciblage de Bercy, permettra de réduire drastiquement le coût du contrôle (un vérificateur, depuis son bureau, pourra se contenter de mettre ces informations en regard des déclarations déposées) et ainsi de les industrialiser.
Du temps et des armes
Pour traquer ces plateformes étrangères, la loi de finances offre ensuite certaines facilités à l’administration fiscale.
Du temps, d’une part, puisque le délai de contrôle est étendu de 3 à 10 ans pour les contribuables ayant omis de déclarer la détention d’un compte sur une plateforme étrangère.
Des armes, d’autre part, puisque l’amende pour non déclaration de ces comptes est doublée (elle passe de 750 € à 1.500 € par compte et par année) et peut même laisser place à une majoration de 80 % de l’impôt omis au titre de plus-values encaissées sur des comptes non déclarés.
Des présomptions
Enfin, et surtout, la loi de finances instaure un certain nombre de présomptions particulièrement utiles et dangereuses lorsque l’on connaît la difficulté, pour le fisc comme pour le contribuable, de remonter l’historique des transactions en crypto-actifs.
En principe, il incombe au fisc de démontrer que le contribuable, qui est présumé de bonne foi, a omis de déclarer des revenus, tels que des plus-values sur crypto-actifs. Les procédures de taxation d’office permettent alors d’inverser la charge de la preuve et de faire peser sur le contribuable la démonstration du caractère non imposable de crédits constatés.
Désormais, cet inversement pourra être mis en œuvre, d’une part, en cas de défaut de déclaration des plus-values par le contribuable après une mise en demeure de le faire restée sans effet. Et, d’autre part, en l’absence de précisions du contribuable quant à l’origine de crypto-actifs ayant circulé sur des comptes étrangers non déclarés. Dans ce dernier cas très spécifique, le fisc sera alors en droit de taxer, au taux de 60 %, la valeur en euros la plus élevée constatée sur ces comptes au cours des dix dernières années.
Cet arsenal, qui s’inscrit dans des missions de contrôle légitimes, pourrait toutefois aboutir à une répression excessive des contribuables qui seraient tenus d’apporter des preuves impossibles pour tenter d’éviter de ne pas être fiscalisés sur un gain qu’ils n’ont pas perçu.
Il devrait ainsi inciter à la prudence et conduire les détenteurs de cryptos à ménager leurs armes principales, à savoir l’information et la preuve.