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16 avril 2024

[Edito] Jonum : un jeu sans gagnant ?

Auteur
William O’Rorke

Le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique (Sren), qui prévoit d’encadrer les jeux à objets numériques monétisables (Jonum) a été définitivement adopté le mercredi 10 avril 2024. 

Il est difficile de suivre les dispositions finales du texte tant celui-ci a été modifié au cours de la navette parlementaire. Essayons d’y voir clair.

Une nature remise en cause 

Introduit par le Gouvernement sans étude d’impact au sein d’un projet de loi dont ce n’était pas la finalité, le régime Jonum a fait l’objet d’un « marketing gouvernemental » et d’une intense campagne de lobbying qui n’ont pas permis d’obtenir un consensus au sein du Parlement. 

La lecture du rapport de la commission mixte paritaire, destinée à trouver un consensus entre les versions du Sénat et de l’Assemblée Nationale, fait clairement ressortir l’absence d’accord sur la nature même des Jonum. 

A l’origine, les Jonum ont pu être qualifiés de jeux d’argent et de hasard en présence des 4 critères de sacrifice financier, d’offre publique, de chance de gain et d’intervention du hasard. Toutefois, le Sénat est revenu sur la nature même du régime en supprimant le critère du gain. De facto, la chambre haute a exclu la qualification des Jonum comme jeux d’argent et de hasard.

Or, c’est la version du Sénat qui a été adoptée, interdisant ainsi par principe aux entreprises de Jonum de distribuer des gains monétaires (i.e., en monnaie ayant cours légal et en crypto actifs). 

Cette interprétation est selon nous erronée et contraire à l’objectif même de ce régime dérogatoire. Car sans gain monétaire, il nous semble que les Jonum ne sont que de simples jeux vidéo… Dans cette hypothèse, pourquoi leur faire supporter des obligations propres au secteur des jeux d’argent et de hasard ? Finalement, quel est l’objectif de cette réglementation ? 

Des conditions plus restrictives que celles applicables aux JAH

La version finale du texte prévoit donc une interdiction des gains monétaires. Par dérogation, les Jonum pourraient attribuer d’autres récompenses que les seuls objets numériques monétisables mais au prix d’un fort encadrement. Cette possibilité est conditionnée à l’avis de l’ANJ et des filières du jeu d’argent, lesquels demeurent fermement opposés à l’octroi de récompenses sous forme de crypto-actifs.

En tout état de cause, ces autres récompenses ne pourront être attribuées qu’à titre accessoire en dessous d’un double plafond : 25% du chiffre d’affaires annuel issu de l’activité de Jonum et un montant annuel par joueur. Des critères en somme plus restrictifs que ceux des jeux d’argent traditionnels. 

Enfin, une modification substantielle a été apportée aux obligations de lutte contre le blanchiment des opérateurs de Jonum. Pour rappel, la version de l’Assemblée Nationale prévoyait une vérification de la majorité à l’ouverture du compte du joueur mais une vérification de l’identité uniquement lorsque le joueur souhaitait retirer ses gains de la plateforme. La nouvelle version adopte des obligations plus restrictives et impose la vérification de l’identité du joueur dès la création du compte. 

En définitive, le processus parlementaire fait ressortir une incompréhension des enjeux de cette nouvelle réglementation, due à un cocktail détonnant de précipitation, de lobbying intense et d’incompréhension du modèle des Jonum. Finalement, la version définitive manque de clarté et impose des restrictions qui pourraient significativement impacter l’exercice et le développement des jeux web 3 en France. 

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