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12 mars 2024

[Edito] Le NFT, un OVNI juridique et fiscal

Auteur
Alexandre Lourimi

Du jeu vidéo à l’immobilier, en passant par l’art ou encore la musique, les jetons non fongibles (« non-fongible tokens » ou NFT ) sont souvent présentés comme des « OVNI » juridiques en raison de l’absence de qualification claire ; ce qui justifie – au moins en partie – les difficultés pratiques en matière fiscale, en particulier s’agissant de leur traitement TVA.

En effet, la TVA étant un impôt sur la consommation, la seule circonstance qu’une opération ait lieu sur un réseau décentralisé ne fait pas obstacle à son application, ce qui conduit, dans le cadre d’une vente de NFT, à des questions en matière d’assiette, de territorialité mais surtout de champ d’application de la taxe. Il est aujourd’hui clair que, dans la mesure où le NFT ne constitue techniquement « que » des lignes de codes, le principe de réalisme en matière fiscale impose de traiter le NFT comme transparent et de s’intéresser uniquement à son sous-jacent : un objet de jeu virtuel (carte d’un joueur sportif, monnaie de jeu, tenue, etc.), un objet artistique, un droit d’accéder à un évènement, etc. 

Ce principe conduit à des difficultés particulières dans le cadre de projets où la vente de NFT a pour principal objectif de financer – de la même manière qu’une grande majorité des Initial Coin Offering (ICO) – le développement d’un service (un « metaverse » ou un jeu vidéo). Dans une telle situation, la difficulté en matière de TVA est principalement liée au caractère hybride de l’opération, à la frontière d’une levée de fonds classique en equity, et où la qualité d’utilisateur et d’investisseur se confond : l’objet de la prestation de service réside-t-il dans la livraison d’un NFT, ou plutôt la représentation numérique qui en est faite (ex. l’image d’un petit singe), ou consiste-t-il à permettre l’utilisation des droits y étant associés (ex. l’accès exclusif à un jeu en ligne) ? 

Cette hypothèse a notamment été évoquée par l’administration dans les précisions qu’elle a apportées dans le cadre d’un rescrit général publié le 14 février 2024 concernant les modalités d’assujettissement à la TVA des ventes de NFT. Plus précisément, lorsque la vente des NFT vise à financer le développement d’un jeu et qu’ils représentent des items du jeu, l’administration a confirmé que la vente est hors du champ de la TVA, appliquant le même fondement que celui qu’elle avait déjà appliqué en 2019 dans sa prise de position en matière d’ICO.  

Toutefois, l’administration considère que la TVA est due, de manière rétroactive, au moment du lancement du jeu, ce qu’elle n’avait jusqu’à l’ordre jamais précisé ou appliqué en matière d’ICO… 

Cet assujettissement rétroactif à la TVA nous semble contraire aux principes en matière de TVA et de nature à créer un risque considérable pour les opérateurs, d’autant plus lorsque la contrepartie des ventes est constituée de cryptos (100 % des cas) dont le cours peut varier significativement entre leur encaissement et le fait générateur de la TVA. Par ailleurs, il semble qu’un choix de financement très proche, voire identique, conduise à un traitement différent au moment du lancement du jeu ; et il nous semble difficile de concevoir que la seule non fongibilité d’un jeton justifie une telle différence de traitement.  

Ainsi, si ces précisions tardives de l’administration sont bienvenues, notamment en ce qu’elles apportent des précisions et confirmations importantes, elles ne referment malheureusement pas le sujet et laissent planer une épée de Damoclès sur les opérateurs de jeux. 

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